Dans le paysage urbain français, une révolution silencieuse se déploie sur les routes de Mulhouse.
Cette ville alsacienne devient le théâtre d’une première mondiale : l’installation de dispositifs révolutionnaires qui captent directement les particules fines émises par le freinage des bus.
Cette innovation technologique répond à un enjeu sanitaire majeur souvent méconnu du grand public.
La pollution urbaine ne se limite pas aux fumées d’échappement visibles. Les particules de freinage, invisibles mais redoutablement nocives, représentent aujourd’hui plus de la moitié des émissions polluantes des véhicules récents. Mulhouse Alsace Agglomération s’impose comme un laboratoire européen des mobilités propres en testant une solution française innovante sur son réseau de transport Soléa.
La pollution invisible du freinage : un fléau sous-estimé
Des particules plus dangereuses que prévu
Les particules fines de freinage constituent une menace sanitaire distincte de celle des gaz d’échappement. Ces poussières microscopiques, classées PM10, possèdent des propriétés cancérigènes et pénètrent facilement dans les voies respiratoires. Contrairement aux idées reçues, les données scientifiques révèlent que 50 à 60% des particules émises par les véhicules récents proviennent du système de freinage et des pneumatiques, non de l’échappement.
Cette réalité bouleverse la compréhension traditionnelle de la pollution automobile. Même les véhicules électriques, pourtant exempts d’émissions à l’échappement, génèrent ces particules nocives lors du freinage. La transition énergétique ne suffit donc pas à éliminer cette source de pollution urbaine.
Impact spécifique des transports collectifs
Les bus thermiques représentent un défi particulier dans cette problématique. Selon les données de l’ADEME, chaque bus génère environ 4 kilogrammes de particules de freinage par an. Ces véhicules lourds, par leur masse importante et leurs freinages fréquents en milieu urbain, dispersent massivement ces polluants dans l’atmosphère.
La pollution ne se contente pas de flotter dans l’air. Les particules se déposent sur les sols urbains et contaminent les eaux de ruissellement, créant un cycle de pollution qui affecte l’ensemble de l’écosystème urbain.
TAMIC® : l’innovation française qui change la donne
Dix années de recherche et développement
La société française Tallano Technologies a consacré une décennie à développer cette technologie révolutionnaire. Forte de plus de 50 brevets internationaux, l’entreprise a créé le système TAMIC® en partenariat avec Transdev, IVECO BUS et Mulhouse Alsace Agglomération.
Cette collaboration public-privé illustre l’engagement français dans l’innovation environnementale. Le choix de Mulhouse comme terrain d’expérimentation n’est pas fortuit : la ville s’affirme comme un laboratoire des mobilités durables en Europe.
Fonctionnement technique du dispositif révolutionnaire
Le principe du système TAMIC® repose sur une approche préventive : capturer les particules à leur source plutôt que de les laisser se disperser. Une rainure spécialement conçue dans la plaquette de frein permet la captation directe des poussières lors du freinage.
Un ventilateur intégré aspire immédiatement ces particules vers un système de filtration performant. Les poussières captées sont ensuite recyclées, transformant un déchet polluant en ressource valorisable. Cette technologie affiche une efficacité remarquable : plus de 70% des particules sont captées, tout en maintenant une consommation énergétique réduite.
L’adaptabilité constitue un atout majeur du système. Il peut être installé en rétrofit sur les bus existants ou intégré directement sur les véhicules neufs. Cette flexibilité ouvre la voie à une extension possible sur tous les véhicules équipés de freins à friction.
Déploiement progressif sur le réseau Soléa
Calendrier d’installation ambitieux
Le déploiement de cette technologie suit un calendrier précis et progressif. Trois bus du réseau Soléa sont équipés du système TAMIC® depuis le début de l’année 2025. Cette phase pilote permettra de valider les performances en conditions réelles d’exploitation urbaine.
L’extension se poursuivra avec l’équipement de 50 bus, avant de couvrir l’intégralité de la flotte Soléa d’ici 2030. Cette montée en puissance progressive garantit une maîtrise technique et opérationnelle optimale.
La présérie industrielle débutera en 2026, ouvrant la voie à une commercialisation élargie auprès des constructeurs et opérateurs de transport européens.
Anticiper la réglementation européenne
Limites des normes actuelles
Les normes Euro 6 actuellement en vigueur présentent une lacune majeure : elles ne prennent pas en compte les émissions hors échappement. Cette réglementation se concentre exclusivement sur les gaz d’échappement, ignorant la problématique des particules de freinage et de pneumatiques.
Cette approche réglementaire incomplète explique en partie la sous-estimation de cette source de pollution urbaine. Les constructeurs et opérateurs n’ont jusqu’à présent aucune obligation de limiter ces émissions.
Révolution réglementaire avec Euro 7
L’arrivée de la norme Euro 7, prévue entre 2025 et 2030, bouleversera cette situation. Cette nouvelle réglementation européenne intégrera pour la première fois l’encadrement des émissions de freins et de pneumatiques.
Mulhouse prend une longueur d’avance considérable en testant dès maintenant des solutions techniques conformes aux futures exigences. Cette stratégie proactive positionne la ville comme précurseur de la transition écologique dans les transports urbains.
Cette démarche s’inscrit parfaitement dans le Plan Climat-Air-Énergie Territorial de m2A, démontrant une cohérence politique forte entre innovation technologique et ambitions environnementales.
Bénéfices environnementaux et sanitaires mesurables
Impact quantifié sur la qualité de l’air
Les projections environnementales du projet sont particulièrement encourageantes. Si l’ensemble de la flotte Soléa était équipée du système TAMIC®, plus d’une tonne de particules fines serait filtrée chaque année. Cette réduction significative contribuerait directement à l’amélioration de la qualité de l’air pour les 280 000 habitants de l’agglomération mulhousienne.
Cette performance s’inscrit dans une démarche de réduction globale de la pollution urbaine, complétant les efforts déjà engagés sur l’électrification des flottes et l’optimisation des parcours.
Enjeux de santé publique
La dimension sanitaire de cette innovation ne peut être sous-estimée. La diminution de l’exposition des populations aux particules cancérigènes représente un enjeu de santé publique majeur, particulièrement dans les zones urbaines denses.
Les habitants des centres-villes, les usagers des transports en commun et les professionnels du secteur bénéficieront directement de cette réduction de la pollution invisible. Cette approche préventive s’avère plus efficace et moins coûteuse que les traitements curatifs des pathologies liées à la pollution atmosphérique.
Mulhouse, modèle pour l’Europe des transports propres
Effet de vitrine et potentiel de réplication
L’expérimentation mulhousienne dépasse le cadre local pour devenir un modèle de référence. D’autres villes françaises et européennes observent attentivement les résultats de ce déploiement pionnier. Le programme Propulse de l’Agence de l’Innovation pour les Transports accompagne cette démarche, facilitant le transfert de connaissances et l’essaimage de la technologie.
Les partenariats internationaux se développent déjà, notamment sur le marché ferroviaire japonais, démontrant l’attractivité mondiale de cette innovation française.
Cette expérimentation mulhousienne marque une étape décisive dans l’évolution des transports urbains. En s’attaquant à une pollution invisible mais omniprésente, la ville alsacienne ouvre la voie à une nouvelle génération de mobilités véritablement propres. L’innovation TAMIC® transforme chaque bus en aspirateur géant de particules fines, réconciliant performance des transports collectifs et protection de la santé publique. Mulhouse écrit ainsi une page inédite de l’histoire de la mobilité urbaine durable.